L’année dernière, à cette période, les Ivoiriens s’étaient réveillés avec une gueule de bois, comme un ivrogne sous les effluves de l’alcool consommé sans modération la veille. Ils avaient du mal à digérer l’humiliation à eux infligée au travers de la déculottée prise par leur équipe nationale, les Eléphants, 4 buts à 0 face à la Guinée Equatoriale au stade olympique Alassane Ouattara d’Ebimpé. Il faut remonter très loin dans le cours de l’histoire pour retrouver les traces d’une telle déconvenue des Eléphants à domicile.
L’image furtive de Didier Drogba, apparue sur le petit écran, la main sur la joue, pensif et étreint par une déception indicible, traduisait éloquemment la déception qui était celle de tous les Ivoiriens. La vue de cette image nous ramena en réminiscence un passage de l’ouvrage « Le Cid » de Pierre Corneille qu’on peut ainsi parodier : « Ô rage, Ô désespoir, Ô «retraite ennemie »…Œuvre de tant de jours en un jour effacée ! »…
Tel devait être l’état d’âme de Didier Drogba, de wilfried Boni, de Yaya Touré, de Gervino, de Zokora et de bien d’autres qui ont écrit une belle page de la longue histoire du football ivoirien. Perdre un match ou sortir d’une compétition, fait partie du jeu et de la vie d’une équipe de football. Perdre un match de football en se battant jusqu’au dernier souffle et tomber les armes à la main, est compréhensible et à la limite acceptable. Mais ce qu’il avait été donné de voir du jeu des Eléphants, on n’était assurément pas dans cette disposition d’esprit.
A aucun moment, on n’avait senti cette rage de vaincre, cet engagement et cette envie de gagner qui anime toute équipe soumise à un challenge et qui plus est, joue devant son public et devant ses plus hautes autorités. Devait-on s’étonner de cette lourde défaite ? Devait-on s’apitoyer sur cette humiliation infligée au peuple ivoirien ? Assurément non. N’étions-nous pas dans l’esprit de: « …on n’a pas gagné, mais on s’en fout… »?
Sonner la révolte de ces Éléphants…
Et c’est en ce moment que nombre d’ivoiriens se sont à juste titre demandés si l’état d’esprit des supporters, symbolisé par ce chant entonné au sortir de la défaite contre le Nigeria, n’avait pas déteint sur les joueurs, et n’était pas vraiment le propre état d’esprit de ces derniers. Cependant, il faut l’avouer, ce chant était un exutoire pour les supporters ivoiriens pour évacuer leur déception, en espérant au plus profond d’eux-mêmes, et dans le secret de leur cœur, que les Éléphants allaient vite oublier ce faux pas contre le Nigeria.
Ils espéraient ainsi sonner la révolte de ces Éléphants contre la Guinée Equatoriale pour s’octroyer le sésame du deuxième tour, leur évitant ainsi de revisiter leurs cours de probabilité. La grande colère et la grande déception des supporters ivoiriens qui ont eu à huer leurs joueurs et à s’adonner à des actes de vandalisme après la débâcle de leur équipe nationale, montrent de toute évidence, « qu’ils n’ont pas gagné, mais ne s’en foutent pas en réalité ».
Ils ont fustigé le jeu approximatif de l’équipe, son manque de combativité et partant d’ambition, mais surtout l’absence de cette envie de gagner qui devait animer l’équipe à cette étape de la compétition. C’est pourquoi, il urgeait de véritablement prendre les taureaux par les cornes pour que cet esprit de « on n’a pas gagné, mais on s’en fout » puisse être rapidement endigué, tué dans l’œuf et ne puisse pas prospérer.
Tout n’était donc pas perdu
Si cela advenait, on en viendrait à désespérer de notre jeunesse, mais surtout à se poser des questions légitimes de ce que serait la Côte d’Ivoire de demain. Il y a encore un travail, un énorme travail à faire pour changer la mentalité des jeunes, leur ôter ce goût de se contenter et de se satisfaire de peu, de se laisser aller au fatalisme et de croire que tout ce qui leur arrive est « la volonté de Dieu ».
Déjà en manque de repères, de référents et de modèles, la société ivoirienne et particulièrement la jeunesse, déboussolée, s’accroche à des artifices qu’on lui présente à souhait et à profusion, et à tout ce qui peut lui procurer du plaisir, fut-il des plus futiles, délaissant ainsi l’essentiel.
Les déclarations d’après-match d’anciens dirigeants de football, d’anciens joueurs et du citoyen lambda sur les responsabilités de cette débâcle, les bonnes questions posées, et des décisions à prendre pour le futur de notre sport roi, laissaient augurer de bonnes perspectives s’ils étaient pris en compte. Tout n’était donc pas perdu… Ce qui fut fait dès lors que le Maroc offrit l’opportunité du deuxième tour… Ainsi va le pays. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.