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Présidentielle 2025 en Côte d'Ivoire : La veillée d'armes a commencé dans les partis politiques, le faux argument contre Gbagbo

Eco et politique

Présidentielle 2025 en Côte d’Ivoire : La veillée d’armes a commencé dans les partis politiques, le faux argument contre Gbagbo

Lentement, mais sûrement, la Côte d’Ivoire s’achemine vers l’élection présidentielle de 2025. Tous les états-majors des partis politiques, considérés comme grands, fourbissent leurs armes à l‘effet de présenter le meilleur de leurs «chevaux» pour s’offrir le palais du Plateau et avoir ainsi en mains les manettes de pilotage du pays.

La situation diffère d’un parti à un autre. Si au niveau du Pdci-Rda, il ne fait aucun doute que Tidjane Thiam, le nouveau président du parti sera sur le starting-block, l’incertitude est de mise dans les deux autres grands partis du pays. Ainsi, au niveau du Rhdp, en dépit des journées de reconnaissance et d’hommage au chef de l’Etat, qui sont organisées à coups de millions de FCFA, pour lui demander de solliciter un quatrième mandat, le silence de celui-ci plonge les militants dans une incertitude et une inquiétude sans nom.

Sera-t-il partant alors qu’il avait déjà déclaré à des journalistes : « …2025, ça suffit… » ? Mais on ne sera pas étonné qu’il remette le couvert, car des précédents, il y en a déjà eu ou proposera-t-il un dauphin pour porter l’étendard du Rhdp ? Nul ne le sait encore. Et les militants attendent impatiemment le 18 juin pour être situés. Ce qui en rajoute au doute, en dépit de l’optimisme que certains de leurs dirigeants voudraient faire partager.

Pour le Parti des Peuples Africains-Côte d’Ivoire (Ppa-Ci), son président Laurent Gbagbo est déjà désigné candidat au cours d’une convention organisée dernièrement. Toutefois, il est de notoriété publique qu’une hypothèque pèse sur cette candidature, du fait que la justice instrumentalisée, l’a condamné à 20 ans de prison, dans la rocambolesque et ridicule affaire du « braquage » de la Bceao. Ce qui a conduit la Commission Electorale Indépendante (Cei), à rayer son nom de la liste électorale. 

La Côte d’Ivoire sous Ouattara a fait des avancées au plan macro-économique, et sur le plan des infrastructures, mais…

Sur cette condamnation, il y a beaucoup à dire. Et il y a également beaucoup à dire quant aux mesures prises par le chef de l’Etat dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler la «réconciliation ». En effet, Koné Katinan, Gilbert Aké N’gbo et Désiré Dalo, accusés d’être les auteurs directs du « braquage » de la Bceao, ont bénéficié d’une amnistie qui efface tout ce dont ils sont accusés. Mais Laurent Gbagbo, co-auteur indirect de ce « braquage », n’a bénéficié que d’une grâce qui maintient en l’état les accusations portés en son encontre. 

Cette façon d’opérer défie tout entendement et en rajoute au soupçon de calcul politicien destiné à écarter l’homme des joutes électorales à venir. C’est ce qui motive les militants de son parti à lutter, pour que  leur président soit politiquement réhabilité et retrouve ses droits civiques. On n’en est pas encore là, et en attendant, nul ne sait de quoi demain sera fait.

Pendant ce temps, le débat s’anime sur les réseaux sociaux, et certains voudraient qu’il soit focalisé sur le bilan de toutes les gouvernances qui ont eu cours dans notre pays, et principalement celles de Laurent Gbagbo et d’Alassane Ouattara. C’est de bonne guerre. Comme il fallait s’y attendre, les soutiens objectifs du Rhdp brandissent un bilan qu’ils jugent largement positif, fondé sur les infrastructures : routes bitumées, ponts, péages, échangeurs, etc. qu’ils publient à profusion. 

Ils affirment également qu’en dix ans de gouvernance, Laurent Gbagbo n’a apporté  aucune « une aiguille » à la Côte d’Ivoire. Il faut le reconnaître, la Côte d’Ivoire sous Ouattara a fait des avancées au plan macro-économique, et sur le plan des infrastructures, même si l’essentiel  des investissements n’ont été faits qu’à Abidjan. Toutefois, le quotidien des ivoiriens n’a guère changé. Ensuite avec du recul, peut-on objectivement imputer à Laurent Gbagbo seul, ce qui a été fait ou n’a pas été fait sur la période de 2003 à 2010 ?

La rébellion de 2002

Pour rappel, arrivé au pouvoir en 2000, le gouvernement de Laurent Gbagbo a fait face à une série de tentatives de déstabilisation, avant de subir une rébellion qui a scindé le pays en deux. L’accord de Linas Marcoussis  obtenu sous la dictée de la France, a obligé Laurent Gbagbo à partager le pouvoir et à cohabiter avec des rebelles ( Mpci, Mpigo, Mjp) et leurs alliés, regroupés au sein du Rhdp ( Pdci-Rda, Rdr, Mfa, Udpci). 

Le Fpi, alors le parti de Laurent Gbagbo au pouvoir, s’est retrouvé minoritaire dans les différents gouvernements qui se sont succédé de 2003 à 2010. Ce fut une période ubuesque où  la Côte d’Ivoire a eu dans son gouvernement des ministres, à la limite de l’illettrisme et au verbe incertain, comme Tuo Fozié ou Feu Koné Messemba. Des ministres qui adoptaient des décisions en conseil des ministres et une fois sortis du palais, contestaient ce qui avait été décidé d’un commun accord.

Faut-il également rappeler que le nord du pays fut pendant longtemps hors de contrôle de Laurent Gbagbo et mis en coupe-réglée par les rebelles ? Ceux-ci y percevaient les impôts, les taxes que recouvrait leur structure, « la Centrale » et qui n’étaient pas reversés au trésor public du pays. Ces impôts et ces taxes servaient à entretenir les rebelles et leurs alliés, également pris en charge par l’Etat. Les factures d’électricité, d’eau ou du téléphone n’étaient pas payées au nord. 

Le bilan qui est opposable à Laurent Gbagbo seul, est celui  de la période de 2000 à 2002 avant le déclenchement de la rébellion

On n’oublie non plus les trafics de tous genres qui s’y déroulaient, au point de faire du Burkina Faso, un pays exportateur de cacao, sans disposer d’un seul pied de ce plan sur son sol à cette période. Le nord du pays ne participait donc pas à l’effort de construction nationale. Ensuite, les ministres du Rhdp qui géraient des secteurs-clés comme les Infrastructures, l’Economie l’Enseignement supérieur, etc. et qui ont fait partie de tous les gouvernements de 2003 à 2010, peuvent-ils objectivement et honnêtement ne pas être comptables de la gestion et du bilan de cette période ?

On ne peut pas avoir été dans un gouvernement sans discontinuer sept années durant, et ne pas assumer ou être comptables de ce qui a été fait de bien, de mauvais ou de ce qui n’a pas été fait. Même si on dit qu’en politique la mauvaise foi est la chose la mieux partagée, mais tout de même ! Le bilan qui est opposable à Laurent Gbagbo seul, est celui  de la période de 2000 à 2002 avant le déclenchement de la rébellion. 

L’argutie qui consiste à dire que n’ayant pas pu venir à bout d’une rébellion soutenue et entretenue par la France, fait de lui le responsable de tout, ne peut prospérer. Il fallait le laisser finir son mandat pour  pouvoir le juger en toute objectivité ! Ainsi va le pays. Mais s’il y a eu un soir en Eburnie, il y aura assurément un matin et l’ivraie sera séparée du vrai.

NAZAIRE KADIA

Analyste politique

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