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Loi contre l’homosexualité: Après l'Ouganda, pourquoi le Ghana doit résister au chantage éhonté des occidentaux et des institutions financières internationales

Monde

Loi contre l’homosexualité: Après l’Ouganda, pourquoi le Ghana doit résister au chantage éhonté des occidentaux et des institutions financières internationales

En mars 2023, le parlement ougandais avait voté une loi prévoyant de lourdes peines pour les personnes entretenant des relations homosexuelles ou se revendiquant comme LGBT. Le texte existant qui prévoyait des peines allant jusqu’à dix ans de prison, avait été durci pour porter les peines à l’emprisonnement à perpétuité.

De façon générale, les habitants de Kampala, et par-delà, les ougandais, ont salué l’adoption de cette loi qui, selon eux, doit mettre fin, sinon endiguer cette « abomination ». Comme il fallait s’y attendre, l’Onu, Amnesty International, les Etats-Unis et la Grande Bretagne, étaient montés au créneau, pour demander au président Yoweri Musévéni de rejeter cette loi. Pour le commissaire de l’Onu aux droits de l’Homme, Volker Türk, « …le vote de ce texte discriminatoire – probablement le pire au monde – en son genre, est un développement troublant… ».

Les autorités américaines n’avaient pas mis du temps pour mettre en garde l’Ouganda quant à des éventuelles sanctions économiques, si cette loi contre l’homosexualité, était adoptée et promulguée. C’est ce qui était ressorti de la déclaration de M. John Kirby, le porte-parole du conseil de sécurité nationale. Celui-ci déclarait en effet : «… Nous devrions déterminer si nous devons décider, ou non, de conséquences, peut-être sur le plan économique, si cette loi est effectivement adoptée et entre en vigueur… ». 

En dépit de ces toutes ces menaces et de toutes les pressions subies, le président ougandais Yoweri Museveni est resté sourd aux incantations des institutions financières internationales et des pays occidentaux. Il a pris sur lui de promulguer la loi anti-lgbtq, et le ciel n’est pas tombé sur la tête des ougandais. Aujourd’hui c’est autour du Ghana d’être dans l’œil du cyclone. En effet, le parlement de ce pays a voté une loi qui réprime l’homosexualité. 

Soumise à la Cour Suprême par le président Nanan Akuffo Addo, à l’effet de voir si celle-ci est conforme à la constitution avant sa promulgation, la loi fait déjà beaucoup de vagues. En effet ce n’est un secret pour personne, le Ghana est en défaut de paiement et dans l’expectative des décaissements de la Banque Mondiale et du Fmi, pour faire face à ses engagements. Mais voilà que la Banque Mondiale et le Fmi remettent le couvert qui avait été servi en Ouganda, en menaçant de suspendre leur aide au Ghana si cette loi venait à être adoptée et promulguée. 

Et les partenaires occidentaux ne sont pas en reste, chacun y va de sa désapprobation de la loi et de ses mesures de rétorsion. Nous sommes en plein dans le chantage et les menaces à peine voilées. Il est connu que le tendon d’Achille de la plupart des pays d’Afrique, reste leur forte dépendance à l’aide au développement, et aux emprunts auprès des institutions financières internationales pour boucler leurs budgets.

Le Ghana a aujourd’hui la possibilité de rechercher des financements alternatifs auprès des pays arabes ou de la Chine qui sont sur la même longueur d’onde que lui au sujet de l’homosexualité

C’est sur ce point faible que s’appuient les puissances occidentales pour faire plier l’échine aux États africains, quand elles veulent imposer leurs points de vue ou veulent que les pays africains endossent des positions que ces puissances soutiennent. Toutefois, le Ghana a aujourd’hui la possibilité de rechercher des financements alternatifs auprès des pays arabes ou de la Chine qui sont sur la même longueur d’onde que lui au sujet de l’homosexualité. 

En réalité, ces cris d’orfraie des pays occidentaux et de leur « communauté internationale », ne sont que le reflet de la conception et de la vision du monde qu’ils voudraient voir intériorisées et adoptées par tous les pays. Seules leurs valeurs à eux sont celles qui vaillent, et qui doivent être adoptées par les autres peuples. Il n’y a de valeurs à promouvoir que les leurs ! Si la culture de ces puissances, permet que des personnes de même sexe se marient, cela est une abomination dans d’autres cultures, tout comme l’est la polygamie dans la leur. 

Il ne s’agit donc pas de juger mais de respecter les croyances et les valeurs des uns et des autres. Mais on l’a compris. A longueur de journée, de façon subliminale ou de façon ouverte, il nous est martelé que ce monde nôtre, est manichéen. Un monde où s’affrontent l’occident et le reste du monde, la civilisation et la barbarie, la démocratie et la dictature, le monde libre et le monde des opprimés, le bien et le mal… Il reste entendu que la démocratie, la civilisation, la liberté et le bien incarnent le monde occidental, quand le mal, la barbarie, la dictature sont l’apanage des autres.

Mais si hier, à coups de canon, certaines de ces puissances ont imposé leurs langues, leur religion, leur mode de pensée, bref, leur civilisation, à une partie du monde, qui a fini par tout intérioriser, il ne sera pas aisé aujourd’hui d’imposer des valeurs auxquelles cette partie du monde ne croit pas, et qui heurtent sa sensibilité, comme le mariage homosexuel. Ces grandes puissances doivent savoir raison garder et faire leur, cette assertion de Blaise Pascal : « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Elles ne sont pas le centre du monde. Ce qui est vrai pour elles, ne l’est pas pour tout le monde. Ainsi va le monde. Arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.

NAZAIRE KADIA 

Analyste politique

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