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Impuissants face à la cherté de la vie, comment les Ivoiriens ont érigé les réseaux sociaux en murs des lamentations

Eco et politique

Impuissants face à la cherté de la vie, comment les Ivoiriens ont érigé les réseaux sociaux en murs des lamentations (Par NAZAIRE KADIA) 

Depuis 2011, le peuple ivoirien est devenu extraordinaire. Quel que soit le problème qui se pose à lui, il trouve toujours des ressorts, soit pour le tourner en dérision et avancer, soit il s’enferme dans un mutisme et rumine en son for intérieur, soit il crée une autre affaire pour y déverser sa frustration et se défouler autant que faire se peut.

L’actualité ces derniers temps, du moins la préoccupation de nombreux actuellement, est le clash entre Sarah Koffi, l’autoproclamée «porte-parole » des servantes de maison et les femmes mariées, patronnes de ces servantes.

L’acharnement des uns à ridiculiser la jeune servante pour ses différentes dénonciations, le dispute à celui des autres à clouer au pilori les femmes mariées, paresseuses qui abandonnent tous les travaux ménagers à leurs servantes, allant jusqu’à donner à celles-ci leurs dessous et ceux de leurs maris pour laver.

Pendant ce temps, le quotidien de ces ivoiriens préoccupés à donner des leçons aux servantes et aux femmes mariées, rime toujours avec la cherté de la vie, inhérente à l’augmentation du prix des produits de premières nécessités, et récemment à celui de l’électricité. Ces augmentations et leurs effets d’entrainement évidents, semblent ne pas être un problème sérieux pour les Ivoiriens. 

Le peuple est totalement tétanisé

La non-réaction des populations, des associations de consommateurs ou des syndicats, du moins leurs réactions timorées, laissent penser que tout ce petit monde, a fini par être gagné par une résignation totale et un fatalisme de mauvais aloi. Le peuple est totalement tétanisé. Il y a quelques temps en arrière, de telles augmentations auraient donné lieu à des grèves et à des manifestations qui auraient paralysé le pays.

Sans support et sans porte-voix, les Ivoiriens ont choisi un autre créneau pour s’exprimer : les réseaux sociaux. Ils y ont érigé un « mur des lamentations » devant lequel ils pleurent, ils soupirent, ils se confessent, traduisant ainsi toute leur impuissance. Les réseaux sociaux sont donc devenus ce qu’est le Mur des Lamentations pour les Israélites et pour de nombreux pèlerins étrangers, qu’on voit se frapper la poitrine, se flageller, donner des coups de tête au mur pour faire leur mea culpa, et implorer l’Incréé à l’effet de trouver des réponses à leurs préoccupations existentielles.

« Faisons attention à un peuple qui ne parle pas »

Mais tous ces pleurs et toutes ces complaintes n’iront pas au-delà des claviers de leurs ordinateurs, encore moins ne franchiront le seuil de leurs salons feutrés ou… délabrés. Voilà tout l’Ivoirien. Et pendant ce temps, au moment où le pays ploie sous le poids de la dette, le gouvernement peut allègrement « alourdir » son train de vie, en augmentant le nombre des ministres et en créant de nouveaux postes budgétivores, dont on se demande à quoi ils servent véritablement.

Hier c’était un Haut Représentant du Président de la République, aujourd’hui des ministres d’Etat Conseillers spéciaux du président, des ministres conseillers à la présidence, des vices-gouverneurs de district. On prend les mêmes et on recommence. Ainsi, ces heureux Ivoiriens qui ont certainement reçu une onction divine, ont la particularité d’avoir été «nommés, « dénommés », ensuite «renommés», puis « redénommés » et aujourd’hui «rerenommés ». 

Assurément leur expertise est d’une absolue nécessité pour la survie du peuple ivoirien. Pour se consoler, les Ivoiriens trouveront toujours sur les réseaux sociaux, un sujet des plus anodins pour se défouler, prédire l’apocalypse et refaire le monde ! Toutefois, il ne faudrait pas trop tirer sur la corde car elle peut finir par se casser. « Faisons attention à un peuple qui ne parle pas », Yodé et Siro sont passés par là. Ainsi va le pays. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.

NAZAIRE KADIA

Analyste Politique

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