La crise en Ukraine, continue de nous donner des enseignements desquels on pourra tirer de nombreuses leçons. Pour rappel, après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, dans le cadre de son opération spéciale, l’Europe sous la houlette de l’Union Européenne et de l’Otan, avait soumis la Russie à de nombreuses sanctions, à l’effet de faire s’écrouler son économie, comme l’avait annoncé le ministre français de l’Economie, Bruno Lemaire, et lui ôter toute envie de continuer son opération.
De nombreuses entreprises européennes et américaines ont quitté la Russie, en application de ces sanctions. Les avoirs russes dans les banques occidentales ont été gelés. Et l’Europe avait décidé de réduire de façon drastique la délivrance de visas aux ressortissants russes. Par mesure de rétorsion, la Russie de son côté, avait fait obligation à tous ceux qui commercent avec elle, de payer désormais leurs factures de gaz, de pétrole ou de charbon en rouble, pour échapper au gel de ses avoirs.
Le gaz russe coule toujours en Europe, mais de façon parcimonieuse, et celle-ci est encline à des inquiétudes dès lors qu’approche l’hiver. En tout état de cause, l’Europe subit aujourd’hui, l’effet retour de ses paquets de sanctions, avec la hausse des factures d’électricité, du gaz et du prix du carburant à la pompe. On se souvient également, que le contrôle des ports ukrainiens par la Russie, rendait impossible le commerce du blé ukrainien, à tel point que même l’Onu avait tiré la sonnette d’alarme sur la famine qui menacerait le monde et particulièrement l’Afrique.
La presse occidentale, surtout française était montée au créneau pour relayer abondamment cette information, et faire de nombreuse éditions sur la famine qui était sur le point d’exterminer les pauvres africains. Sans perdre le temps, Macky Sall, alors président du Sénégal et président en exercice de de l’Union Africaine (UA), avait pris son bâton de pèlerin pour aller à Moscou, rencontrer le président russe, Vladimir Poutine, aux fins de lever le blocus sur les ports ukrainiens, et empêcher ainsi l’Afrique de mourir de faim. Un accord à Istanbul en Turquie, avait permis la reprise des exportations de céréales ukrainiennes, mais les entraves demeurent toujours quant aux exportations alimentaires russes.
Le président Macky Sall avait donc juste été utilisé comme le « nègre de service »
Mais aussi paradoxal que cela puisse paraître, les premiers bateaux qui avaient quitté les ports ukrainiens, chargés de blé et tous les autres qui suivront, n’avaient pas pris la direction des ports africains pour voler au secours des pauvres africains affamés. Presque toutes les céréales exportées de l’Ukraine, n’avaient pas été en direction des pays en développement ou pays pauvres, mais plutôt envoyées aux pays de l’Union Européenne. Cette situation hypocrite des occidentaux, poussa le président russe à vouloir reconsidérer sa position, et à envisager une limitation des exportations de céréales et d’autres produits alimentaires via les ports ukrainiens.
On voit donc que la famine qui était sur le point de décimer l’Afrique, clamée par les occidentaux, et abondamment relayée par sa presse, du fait de la pénurie de blé, n’était qu’un prétexte pour attendrir Vladimir Poutine et trouver des solutions à leurs propres problèmes, problèmes qu’ils ont eux-mêmes crées. Le président Macky Sall avait donc juste été utilisé comme le « nègre de service ». Le bon sens permet de se rendre compte qu’en dehors des pays d’Afrique du nord, le blé n’est véritablement pas un aliment de base en Afrique au point où sa pénurie constituerait une catastrophe alimentaire.
Pris dans l’engrenage de leurs propres turpitudes, les occidentaux et leur presse, n’avaient fait que prendre l’Afrique comme leur exutoire, leur cache-sexe et leur paravent pour trouver des solutions à des problèmes auxquels ils étaient eux-mêmes confrontés. Cette propagande a prospéré, parce que dans l’imagerie populaire européenne, l’Afrique rime avec sécheresse, famine et enfants squelettiques.
Le président sénégalais, en se déplaçant à Moscou pour son plaidoyer, n’avait fait que donner du grain à moudre. Les Ivoiriens, dans leur humour caustique, diraient : « c’est quand tu fais ta figure comme du riz blanc, qu’on y verse de la sauce graine ». Ainsi va le monde. Mais arrive le jour où l’ivraie sera séparée du vrai.
NAZAIRE KADIA
Analyste politique