La Côte d’Ivoire, au cours des cinq (5) derniers mois, s’est illustrée par des cas de suicides, pour le moins curieux. Si parmi les trois (3) premiers d’entre les suicidés, issus principalement de l’armée, deux ont usé de leur arme à feu, tandis que le 3ème a préféré se jeter dans la lagune, du haut du pont du général de Gaulle. Quant au 4ème et au 5ème, tous deux étudiants, ils se sont respectivement, pour l’un, jeté du haut du troisième étage d’un bâtiment de la cité universitaire de Port-Bouët, et l’autre, pendu à Danané.
Bien qu’il n’y ait pas de lien apparent, ni logique entre ces cas de suicide, il n’en fallu pas plus pour que l’opposition et la société civile, qui sont toujours à l’affût du moindre dysfonctionnement social, s’en sont emparées pour les assimiler au « mal-être social chronique » généré par le régime du Président Alassane Ouattara. Le coupable est tout trouvé. Au sens général du terme, le suicide est « l’acte de se donner volontairement la mort ».
Émile Durkheim est l’un des sociologues qui s’est serieusement penché sur le phénomène. Dans son livre intitulé « Le suicide », publié en 1897, il appréhende le suicide comme un fait social à part entière. Au lieu d’être « déterminé par des raisons relevant de l’intime, du psychologique « , le phénomène doit bel et bien être « éclairé par des causes sociales, par des déterminants sociaux ». En d’autres termes, la société est entièrement responsable des suicides.
« Il est temps de s’attaquer, de manière synergique et vigoureuse, aux causes sous-jacentes de ce fait social complexe »
Pour ce qui est des cas ivoiriens, on a constaté que la catégorie sociale la plus touchée, ce sont les jeunes, notamment ceux dont l’âge varie entre 20 et 29. Quant aux facteurs explicatifs, on les associe fréquemment au chômage, à la déscolarisation, au manque de soutien familial et aux diverses pressions sociales qu’ils subissent à quelques niveaux que ce soit, sans parler du fait que le phénomène est un tabou culturel.
Toutefois, il faut souligner que si « ces drames quittent la rubrique des faits divers pour s’étaler en une dans tous les kiosques » à journaux, le taux de prévalence du suicide n’est pas plus élevé en 2024 que l’année précédente. En réalité, avec 23 cas pour 100.000 habitants, la Côte d’Ivoire est le 3ème pays africains ayant le taux de suicide le plus élevé, en depit de la mise en place du premier dispositif de notification des cas de suicide en Afrique francophone, en 2023; ce qui, du reste, souligne l’ampleur du problème.
Comme on peut le constater, le suicide est un phénomène social complexe, contemporain de toutes les sociétés. Et s’il est arrivé que ce sont les jeunes qui sont les plus touchés en Côte d’Ivoire, les facteurs ne peuvent être imputés à la gouvernance du Président Alassane Ouattara. Alors, au lieu pour l’opposition d’en faire un argument de campagne, en indexant l’administration du Président Alassane Ouattara, il est temps de s’attaquer, de manière synergique et vigoureuse, aux causes sous-jacentes de ce fait social complexe.
Oussou Kouamé Rémi
Enseignant-chercheur à l’Université Alassane Ouattara-Bouaké
Expert Analyste socio-politique et économique
Secrétaire de Zone-RHDP (Marahoué)11