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Culture et société

Reportage – La prostitution s’empare du Nord de la Côte d’Ivoire, des femmes couchent avec des gamins pour 1000f

Dans la partie septentrionale de la Côte d’Ivoire, le commerce du sexe semble ne plus choquer les bonnes consciences. Gbini, dans la sous-préfecture de Blessegué, localité du département de Kouto, est un cas d’école. Village minier, sa renommée en terme de prostitution est à la dimension des conséquences fâcheuses liées à ce phénomène. Le sexe y court à grande vitesse, faisant fric, fortune et victimes sur son chemin.

Bakary, le président des jeunes de Gbini nous informe que son village est une CEDEAO bis. «Ici ce sont 7 pays qui se retrouvent. Le Cameroun a même ses compatriotes ici. Le hideux commerce du sexe est fortement organisé, tenu et entretenu par de puissantes baronnes», dit-il avant d’enfoncer le clou : 

« Ici, ces puissants proxénètes font venir des filles de tous âges de tous les pays d’Afrique noire juste pour se faire une fortune sur le dos des orpailleurs clandestins qui se réjouissent d’une éjaculation de 30 secondes. Le Nigeria est le plus gros fournisseur  de filles enrôlées pour exercer le plus vieux métier. Entre 13 et 16 ans pour la plupart, ces gamines promènent des poitrines squelettiques».

Sur place, à Gbini les lieux de joie ne se comptent pas. Poitrines ouvertes, la petite culotte au ras des fesses, les jeunes travailleuses du sexe font le printemps nordiste.  Dans les  » temples  » de la joie à l’image de Connexion ou du maquis Caro Caro, des Nigérians se disputent un détestable leadership. 

Au maquis  » Connexion  » , une brochette de filles pour la plupart de l’ouest ivoirien nous accueillent. « Chéri, ya charp charp à côté ! Ya dormir aussi », clament-elles peinardes. Les seins quasiment dénudés, quelques unes se baladent dans les environs, la cigarette au bec, fumant tel un volcan en pleine éruption. 

Joyce, un petite culotte à peine visible sous une courte robe, danse depuis un quart d’heure. Nous recevant à l’entrée, elle s’approche et souffle à l’oreille « baiser ou boire » ? Sa mine de femme trahit son adolescence. La gamine frôle à peine les 14 ans.

Le joint aux lèvres, elle tente de persuader du contraire par des coups de reins saccadés. Elle se déhanche jusqu’à atteindre l’intérieur. La tenancière abusivement appelée No Woman No Cry, est à peine devisageable à travers des grilles qui l’a camouflent. 

Des mômes de la quinzaine à peine, font la fête dans un salon privé. Badra, la quarantaine révolue, révèle que la maison vient d’être réquisitionnée par des garçonnets clandestins. « Ils se sont faits un pactole aujourd’hui. Jusqu’au petit matin, ces mômes n’auront pas un seul centime sur eux. La ruée vers l’or finit toujours ainsi », dit-il. 

A 3 Km, au Mali voisin, précisément dans le village de Massioko, la prostitution des filles ivoiriennes et celles du reste du monde, constitue pour les chercheurs d’or une manne diversement appréciée. Pour bon nombre, l’action est jugée humaine.

« En allant avec ces filles de joie, nous trouvons nos comptes. L’homme  a besoin d’affirmer sa masculinité. Et c’est en la femme que cela se fait », confie un jeune burkinabé, fraîchement installé à Massioko.

Sous des huttes en forme de carapace de tortue, orpailleurs clandestins et travailleuses du sexe restent les seuls vraies animations de Massioko, le Mananbougou (village du plastique) sur cette terre malienne.

Sur l’autre rive du cours d’eau séparant les deux pays, Zanika, Kanakoro, le décor est pareil. Plus loin, à Papara, nos Ivoiriennes courent après la fortune maudite à la sueur des cuisses. Cela depuis une vingtaine d’années. La relève toujours assurée.

LE COMMERCE DU SEXE ET LES VALEURS TRADITIONNELLES

Le commerce du sexe tel que pratiqué au nord de la Côte d’Ivoire, constitue hélas une grave entrave faite à la transmission des valeurs traditionnelles dans les familles des jeunes gens.

Notre source de Gbini avoue son ras-le-bol face à la dérive constatée ça et là. « Ces filles ont réussi à commencer à détruire la vie de nos jeunes filles. Tous les jours, elles se promènent dans le village en petites culottes, la poitrine nue et la cigarette en mains.

Nous Sénoufos, ne pouvant laisser prospérer de tels comportements, nous interpellons régulièrement les patronnes jusqu’à leur infliger de fortes amendes. Mais le mal ronge toujours nos us et coutumes car combattus par nos propres enfants», révèle-t-il.

Avant de poursuivre : « L’éducation des jeunes garçons est devenue difficile. L’amour de l’argent et l’envie de faire comme les enfants venus d’ailleurs, contraint nos gamins à fumer, à boire de l’alcool et à coucher avec des femmes qui n’attendent que leur argent (1000FCfa) pour la passe. Dès 12 ans , nos gamins ont des expériences sexuelles. Pour cela, ils ne respectent plus personne. C’est la décadence de notre société traditionnelle ».

LE TRAFFIC HUMAIN AU CŒUR DE LA PROSTITUTION

A Zanika, Gold de Ibadan (au Nigéria) nous accueille avec bienséance dans un cabaret où elle aime se faire de nouveaux pigeons. La cigarette à la bouche, la jeune femme conte sa galère dans un français affreux. 

« Je suis là depuis 18 mois. Ma patronne m’a prise à mon oncle à Ibadan, prétextant que je venais l’aider dans son restaurant à Abidjan. D’autres filles attendaient à Lagos. Nous nous sommes retrouvées là bas, pendant quelques jours. Après quoi, nous avons fait le voyage sur Abidjan.  Nous y sommes restés pendant une semaine. Nous étions au beurre.

Le 8ème jour, nous avons voyagé de nuit jusqu’à Gbini. C’est là-bas que nous nous sommes vues face au destin. Notamment faire le trottoir pour payer la faramineuse somme de 1.500.000 FCFA chacune à verser à notre patronne. Après quoi, on prendrait notre indépendance. Issues de diverses contrées du Nigéria, nous étions 32 filles au total déployées dans la zone», révèle-t-elle, encore sous le choc. 

Le récit de Gold sera partagé par Ramata I. venue d’un village burkinabé. « Nos patronnes sont très riches et puissantes. Elles sont même craintes de nos gouvernants», raconte-t-elle. 

A la question de savoir pourquoi elles n’osent pas prendre la fuite, c’est par un fou rire que les deux consoeurs répondent. « Fuir ? Pour aller où ? Ces gens sont capables d’exterminer toute la famille restée au pays», clame Ramata I.

Sa copine Gold précise sur un ton prudent : «En plus d’avoir un pistolet, notre patronne est très ancrée dans le fétichisme. Figurez-vous qu’à notre descente du car ici, elle nous a pris un peu de nos poils sous les aisselles et en bas et des cheveux. Le tout bien emballé dans du plastique avec le nom de chacune. Pour en faire quoi ? Nous sacrifier où nous rendre folles si nous fuyons». 

A Gbini, Bakary témoigne de la souffrance de ces jeunes filles : « J’ai pitié pour les plus jeunes. Les pauvres sont régulièrement battues et par les clients et par les autres filles.  Pour supporter la douleur, ces gamines se voient obligées de se droguer. Le milieu est une jungle qui ne fait pas cadeau. Le risque est grand».

LES AUTORITÉS IMPUISSANTES??

Si pour bon nombre d’intellectuels, la vente des services sexuels, reste un obstacle à l’égalité femme-homme parce que chosifiant la femme, la prostitution, elle, est reconnue comme le plus vieux métier du monde. 

L’éthique, la morale et toute bonne conscience   condamnent sa pratique car jugée aux antipodes des valeurs socioculturelles africaines. Un administrateur civil en service à Korhogo se dit outré par la passivité avec laquelle le pouvoir public laisse prospérer le phénomène dans le nord ivoirien. 

« C’est à une vraie démission collective que nous assistons au Nord ! Dans la Bagoué, ces travailleuses du sexe ne sont pas encadrées. Personne ne les sensibilise sur les dangers du VIH et l’abus des stupéfiants. Elles mettent en danger la vie de  milliers de personnes. Quelque chose devrait être fait pour circonscrire leur zone de compétence.

Cela y va pour elles-mêmes leur sécurité. Il arrive que ces filles sont assassinées suite à des rixes autour d’une passe non payée. Jusqu’à quand la vie humaine aura-t-elle de la valeur ? Protégeons notre société qui tangue depuis très longtemps avant qu’elle ne chavire totalement ! », confie-t-il. 

A Gbini, l’autorité villageoise réprouve les méthodes étatiques visant à construire le pays avec beaucoup de ponts modernes et des routes.

« Le mieux serait d’occuper ces filles depuis chez elles avec des activités génératrices de revenus ou du travail rémunéré dans des usines locales. Des usines ou des unités de transformation, il faut les envisager dans toute la Côte d’Ivoire pour occuper sainement nos filles qui sont livrées à elles-mêmes».

Une approche non partagée par l’administrateur civil de Korhogo. « Construire des usines mêmes dans chaque quartier ne de détournera pas ces filles de la prostitution. Ici au nord, celles qui y sont n’envisagent même plus le retour au village. Avec une moyenne de dix clients gagnés en une nuit, la travailleuse de sexe a en moyenne 350.000 FCFA le mois.

Comment la persuader de retourner à la terre ou tourner le dos à la facilité  pour réussir seulement à la sueur du front ? Comment les amener à seulement se contenter du peu pour construire une vie propre et digne ? Quels moyens conséquents mettre à disposition des parents pour une meilleure éducation des filles face à la cherté de la vie, le manque de terre cultivable et la pauvreté ? C’est à l’État de trouver des réponses à ces équations», se convainc-t-il. 

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